Thanos Chrysakis, Oli Mayne, Jerry Wigens, Zsolt Sőrés - Vertex (Aural Terrains, 2011)


Thanos Chrysakis: Max/MSP, électronique
Oli Mayne: vibraphone, électronique
Jerry Wigens: guitare électrique, clarinette
Zsolt Sőrés: objets, violon alto, électronique

Aural Terrains publie ici la réunion de 4 artistes que je ne connais pas des masses: Thanos Chrysakis, musicien d'origine grecque récemment basé en Angleterre joue régulièrement avec Wade Matthews en duo ou en trio, et gère le label Aural Terrains; Jerry Wigens, également londonien, a déjà joué avec Eddie Prevost et George Lewis; quant à Oli Mayne, anglais basé à Budapest, il joue aux côtés de Zsolt Sőrés (alias Ahad), qui est un proche collaborateur de Franz Hautzinger. Ainsi, tous les quatre, ils forment le quartet international électroacoustique Vertex, un ensemble concentré sur la musique improvisée et l'exploration de textures neuves.

Quatre pièces proches et similaires tout en étant très différentes, tout comme les timbres qui, sans être très innovants, forment tout de même une ambiance générale très particulière. Comment ce quartet a su parvenir à ces résultats paradoxaux et déstabilisants? Tout d'abord, il y a cette volonté de ne jamais se noyer dans un son homogène comme souvent dans l'EAI; les instruments conservent leurs techniques idiomatiques et la matière électronique ne tente surtout pas de les imiter, il n'y a jamais aucun phénomène d'imitation ni tentative de fusionnement, chacun improvise à sa manière et la singularité naît de la confrontation des approches. Les approches sont d'ailleurs très individualistes en un certain sens, mais l'écoute n'est pas absente, car chaque musicien dialogue, questionne et répond assez attentivement dans ce jeu hétéroclite d'oppositions, de confrontations et de superpositions.

L'agencement des timbres prend alors des allures parfois chaotiques et anarchistes, l'architecture proposée par ce quartet n'offre que peu de prises avec les habitudes musicales (issues de la musique improvisée ou non), et se déploie dans des espaces très interstitielles et hétérogènes, faits d'assemblements et de réunions étranges et inattendus tels le vibraphone qui trille sur des grésillements électroniques tout en répondant à une guitare volubile, atonale et tout autant dénuée d'effets que d'expressions. Vertex explore un territoire sonore aux allures cosmiques et glaciales, où le temps, l'espace, le signifiant, la musique (au sens restreint), la raison et la logique semblent ne plus avoir prises, un territoire très spontané et original qui semblerait presque être aux origines de la musique tant il paraît dénué d'influences.

Le plus remarquable, dans ce disque, c'est à mon avis, cet équilibre constant dans la gestion et l'agencement des sources sonores, il n'y a jamais prédominance de l'électronique sur l'acoustique, et inversement; et cet équilibre permet un son global hétéroclite, riche et éclaté où chaque individualité est présente sans être absorbée par le collectif. Les timbres se marient très bien sans se noyer dans une masse sonore où les strates deviennent indistinctes, l'individualité de chacun est conservée intégralement tout au long de ces quatre pièces. Une succession de différentes structures dynamiques et riches qui s'unifient dans cette volonté commune de toujours conserver et déployer ses caractéristiques personnelles et essentielles. Un disque assez froid certes et très étrange, bizarre, mais original, radical, propre et clair.

Tracklist: 01-Vertex 1 / 02-Vertex 2 / 03-Vertex 3 / 04-Vertex 4