Kevin Drumm - Crowded

KEVIN DRUMM - Crowded (Bocian, 2012)
C'est sur le label polonais Bocian qu'est paru ce vinyle de Kevin Drumm, un excellent label soit dit en passant, consacré aux nouvelles formes de noise, et plus particulièrement à KD. Et sur Crowded, on a effectivement affaire à de la noise qui n'a rien de conventionnelle, à une musique qui s'écarte de tous les canons esthétiques et de toutes les normes, en s'en servant tout de même par endroits.

Je pense surtout à cette première face aussi déroutante que magnifique. Une face qu'on ne saurait qualifier - j'aurais quand même envie de dire qu'il pourrait s'agir d'ambient maximaliste. Durant un quart d'heure, KD superpose de nombreuses boucles qui se répètent. Mais chacune des boucles ne se répète pas à l'identique, d'infimes variations ont lieu de manière autonome (variations de hauteur, de durée, de réverbération etc.). Et à l'intérieur de ce continuum aux sonorités étranges, sonorités boisées, liquides, mais aussi électriques et numériques, des éléments apparaissent en surimpression du continuum à la mécanique déréglée. Une musique calme et inquiétante, qui offre continuellement un reflet altéré d'elle-même. Une succession de doubles jamais identiques. Si la texture de ce continuum a quelque chose de calme et d'aérien, la forme s'apparente quant à elle aux éléments liquides et surtout au flux héraclitéen.

Et si la première face paraît composée d'éléments naturels et mécaniques qui évoquent parfois des oiseaux, un moulin à eau ou des grenouilles, la seconde face n'évoque plus que l'artificialité (à travers la guitare et ses nombreux effets) et l'aléatoire (à travers l'arbitraire de la forme). Une face beaucoup plus noise qui s'ouvre avec un solo de guitare où pédales de distorsion et de saturation se disputent les larsens. Un solo enregistré de loin qui est vite submergé par un bloc de larsen fait de contrastes sans nuances. Tout le reste de la face sera dès lors une succession de ces blocs sonores qui démarrent et s’interrompent sans crier garde. Des blocs imposants fondamentalement constitués d'une basse massive et de suraigus saturés qui évoluent de manière strictement parallèle au gré des micro-mouvements entre la guitare et l'ampli. Un morceau qui paraît plus aléatoire - arbitraire en tout cas, et moins recherché que le précédent, mais dont l'aspect spontané et massif lui confère autant de puissance.

Deux pièces qui n'ont pas grand chose à voir mais qui se complètent et se succèdent très bien. Double réussite.