Nicolas Wiese - Living theory without anecdotes (LP)

NICOLAS WIESE - Living theory without anecdotes (Corvo, 2013)
Nicolas Wiese est un artiste audiovisuel et compositeur de musique électroacoustique qui réside à Berlin, où il co-dirige notamment quiet cue, haut lieu berlinois de diffusion de musiques expérimentales.  Et hormis ces quelques éléments ainsi que ce qu'il met en oeuvre dans living theory without anecdotes, je ne pourrai pas en dire plus sur ce musicien dont j'entends parler pour la première fois.

D'ailleurs, ce qui est mis en oeuvre sur ces quatre pièces n'est pas évident à décrire et je ne suis pas sûr de pouvoir en dire très long dessus. Sur ce disque Nicolas Wiese est crédité à l'électronique seulement, mais le plus intéressant ne réside pas tant dans l'instrumentation que le processus, qui en dit plus long sur sa sensibilité. Ce qui est surtout marquant au premier abord, c'est l'utilisation récurrente d'enregistrements orchestraux et d'instruments acoustiques ; des enregistrements qui se distinguent parfois nettement des ambiances électroniques, mais qui se noient aussi parmi elles à d'autres moments. Les enregistrements sont collés, bouclés, modifiés, filtrés selon les buts proposés par la composition et la structure. Ils sont parfois utilisés tel quel, avec leur motif, leur couleur, leur mélodie et leur hauteur - formant un contrepoint aux nappes électriques ; ou bien ils sont utilisés comme une source sonore quelconque et ils se noient alors dans les flux électroniques abstraits.

Je disais aussi plus haut que ce disque est difficile à décrire, et ce à cause d'une caractéristique inhabituelle. Les compositions de Nicolas Wiese ont quelque chose de très flottant et d'incertain dans leur structure. On se trouve au beau milieu d'un crescendo, d'un decrescendo, d'une rupture, etc. sans trop savoir si c'est important ni comment on y est arrivé. Le son change, une partie se termine, une dynamique est rompue, une atmosphère laisse place à une autre, mais l'intellect ne saisit que difficilement ce qui se passe. Car ce qui importe apparemment le plus, c'est la relation entre la nature des sons et leur diffusion dans l'espace. Les quatre pièces présentées ici composent des architectures sonores à partir des notions de volume, de géométrie spatiale, de traversée, de différents niveaux et strates qui se ressentent et s'expérimentent plus qu'ils ne se comprennent. Car de même que le propre de l'architecture est de ne pouvoir être saisie qu'à travers le vécu, la musique de Nicolas Wiese n'est saisie qu'à travers l'expérience, qu'à travers l'écoute. Seule une écoute et l'expérience sonore peuvent réellement dévoiler sa nature et sa structure.

Un très beau travail de composition électroacoustique sur l'expérience vécue du son, sur sa spatialisation, et sur l'intégration d'éléments instrumentaux et musicaux dans une structure architecturale flottante et abstraite qui ne se saisit qu'à travers l'écoute.