Eva-Maria Houben - Voice with piano

C'est il y a environ quatre ans que j'avais découvert la superbe voix d'Irene Kurka sur un disque consacré simultanément à des oeuvres de John Cage et de Hildegard von Bingen. Au-delà de la surprise de voir ces deux compositeurs que tout semble opposer réunis sur un disque, c'est surtout la voix de Kurka qui m'avait franchement envouté. Et bien sûr, c'est avec autant de plaisir que j'ai reçu cette nouvelle collaboration avec une musicienne tout aussi admirable de mon point de vue : la pianiste et organiste Eva-Maria Houben, grande habituée du label wandelweiser.

J'ai passé de nombreuses heures ces derniers mois à écouter ou réécouter des disques qui ont fait la gloire de l'indus entre la fin des années 70 et le début des années 80, et parfois, entre les premières expériences extrêmes de SPK, un album de Whitehouse ou une expérimentation électronique dégeulasse et décalée de Throbbing Gristle, pour me reposer, passer à autre chose de radicalement différent, je mettais Voice with piano. Dans ce contexte, forcément, ces trois compositions d'Eva-Maria Houben jouées par elle-même au piano et Kurka à la voix apparaissaient extrêmement raffraichissantes et d'une pureté religieuse. Mais même en-dehors de ce contexte, en écoutant ce disque pour lui-même, je n'ai trouvé que de la beauté, de la simplicité et une forme de musique entre le lied et la chanson qui n'est pas sans radicalité.

Les accords de Houben sont très épars, voire disséminés, et entre eux, la voix de Kurka chante avec douceur et simplicité des vers (allemands) tendances minimalistes également. On ne s'étonnera pas de la présence très forte du silence toujours. En fait, je pense que sans ce silence, cette musique pourrait être ennuyeuse. C'est le silence qui donne ici toute la force et l'intensité de chaque intervention (autant du piano que de la voix). Même si les réalisations sont fragiles, subtiles et simples, belles et délicates, il semble à chaque écoute que c'est principalement le silence qui confère toute la force de ces réalisations. L'équilibre entre l'absence de sons, les mélodies, le texte et la musique a quelque chose de saisissant, car il relève de la perfection. C'est saisissant comme tout paraît beau et naturel, simple et équilibré.

Ces trois compositions d'Eva-Maria Houben, jouées avec tant de finesse et sans lyrisme excessif, autant par la pianiste que par Irene Kurka, relèvent de la poésie pure, en tant que forme sonore et musicale. Elles nous plongent dans un monde de mots où ces derniers sont autant de sonorités et de signes qu'une partition. Mais c'est également un monde de musique pure où la mélodie n'a pas besoin de développement magistral, juste un point d'orgue réduit à un silence qui fait sens. Des mélodies réduites au strict nécessaire, des vers également réduits, tout ceci pour faire vivre un silence éternel et sensationnel.


EVA-MARIA HOUBEN - Voice with piano (CD, wandelweiser, 2017)